La technologie au service des enjeux sociétaux et environnementaux, l’exemple de la Blockchain*

Mercredi 11 octobre, la Société Générale a accueilli le « Méga Meetup » Blockchain qui a fait le plein de participants en proposant près d’une trentaine d’interventions. Parmi elles, celle de Basile Michardière, responsable du SensCube, l’incubateur de MakeSense  : « Comment la blockchain peut (aider à) résoudre les défis du XXIème siècle »

Quelques mois en arrière la blockchain suscitait des attentes très (trop) fortes, à l’image de l’article du Guardian de juillet 2016 intitulé « Blockchain: the answer to life, the universe and everything?« . Aujourd’hui, avec la mise en œuvre concrète des premières initiatives d’innovations à impact sociétal ou environnemental, c’est l’occasion d’essayer de dresser une vision prospective réaliste des solutions que peut apporter la blockchain à ces enjeux.

Si la plupart des nouvelles technologies suscitent assez peu d’interrogations sur la manière dont elles fonctionnent techniquement (quel utilisateur s’est déjà soucié des protocoles sur lesquels reposent le web ou la manière dont un SMS se rend de son téléphone à celui de son correspondant ?), les discussions concernant la blockchain sont encore bien souvent cantonnées à des échanges d’experts sur ses sous-jacents techniques. Pourtant, au-delà de la technique et comme toutes les autres technologies, ce sont bien ses usages qui feront émerger l’innovation et engendreront son adoption par le plus grand nombre.

 

Passons donc en revue quelques usages que la blockchain pourrait contribuer à faire émerger pour servir les Objectifs de Développement Durable (ODD).

Permettre à chacun de prouver son identité

Aujourd’hui dans le monde 2,4 milliards de personnes vivent sans identité légale. L’une des composantes de l’Objectif Développement Durable 16 du programme des Nations Unis consiste à fournir une identité légale à tous, incluant un registre des naissances et ce, d’ici à 2030.

AID.tech s’est donné pour objectif de développer l’inclusion sociale et financière en donnant à chacun une identité grâce à une solution fondée sur la blockchain. Celle-ci prend la forme d’un QR code correspondant à une clé unique permettant au porteur de prouver son identité, de recevoir de l’argent ou de l’aide sous forme de biens ou services (gaz, électricité…). Dans le cas d’un achat par exemple, le caissier, en scannant le QR code, a accès à la photo du porteur du QR Code pour vérifier son identité, puis procéder au paiement.

La tenue d’un cadastre relève d’une problématique similaire. Dans de nombreuses régions du monde, la gestion des titres de propriétés est particulièrement complexe. BitLand met en place un registre des titres de propriété au Ghana. Une fois les titres de propriété enregistrés dans la Blockchain, BitLand permet ainsi d’archiver l’ensemble des transactions de manière permanente. Néanmoins, avant d’en arriver là, il faut identifier les titres de propriétés déjà émis, interroger les parties prenantes susceptibles d’avoir des informations, confirmer la validité des titres existants… Autrement dit, la technologie apporte une garantie de l’intégrité et de la traçabilité des informations qu’on lui confie, encore faut-il que ces dernières soient exactes et sincères !

 

« While technology is important, it’s what we do with it that truly matters »

Muhammad Yunus, Economiste, Fondateur de la Grameen Bank, Prix Nobel et défenseur des ODD des Nations Unis.

 

Permettre la transparence et la traçabilité de l’utilisation de l’aide au développement

Selon une étude américaine, 22% des particuliers ne font pas de dons aux ONG faute d’être en capacité de savoir comment ceux-ci sont utilisés. Le don aux associations, pour renforcer la confiance doit être en mesure de tracer précisément l’utilisation des sommes données.

C’est ce que propose la fondation BitGive avec sa solution GiveTrack. Au moment du paiement du don en carte bancaire, le donateur peut choisir les associations auxquels il donne. Ensuite, l’utilisation qui en est faite peut être tracée à chaque étape depuis le choix du projet, jusqu’à sa réalisation complète.

La solution britannique Alice y ajoute la notion de condition de réalisation (Smart contract). La transaction n’est effective qu’une fois une condition préalablement déterminée remplie. Par exemple un montant de collecte minimum au financement d’un projet.

 

Fiabiliser les marchés et réduire les pertes agricoles

Selon un rapport des Nations Unies, on estime que dans les pays en voie de développement, 50% de la valeur des récoltes disparait entre le champ et le point de vente. Le fonctionnement des coopératives et de l’ensemble de la chaine de commercialisation repose sur des contrats papiers ou oraux. Le manque de traçabilité qui en découle engendre pertes, manque de transparence et ouvre la porte à la corruption et à la fraude. AgriLedger se propose d’équiper les agriculteurs modestes d’un smartphone, leur permettant d’accéder à une interface enregistrant l’ensemble des productions, conditions de contrats, transactions etc. sur la blockchain. Ainsi ils peuvent tracer leurs récoltes et conserver la preuve des conditions de vente réellement convenues au préalable.

 

Faciliter les transferts d’argent des diasporas vers leur pays d’origine

A l’heure où le bitcoin s’échange à près de 5000€ et où on en parle essentiellement pour son aspect monétaire, il est important de rappeler qu’au-delà d’être une monnaie, c’est surtout un moyen de paiement dont le caractère décentralisé le rend à proprement parler universel, c’est à dire dépourvu d’entité centralisatrice contrairement aux réseaux de paiement dit universel tels Visa ou Mastercard. Cela en fait un moyen de paiement qui s’affranchit des frontières à un coût très faible. Circle a fondé son moyen de paiement international gratuit sur Bicoin, en rendant le change (devise <-> BTC <-> devise) transparent pour l’utilisateur (Sur un modèle relativement similaire à ce qu’avait développé le français Paymium en 2014 déjà).

Saldo.mx  a développé une solution centrée sur un usage précis : l’aide envoyée par les émigrés mexicains à leurs proches. Pour ce faire, elle a conçu un moyen de paiement permettant aux mexicains résidants aux Etats-Unis de régler directement les factures (électricité, téléphone…) de leurs proches auprès des principaux fournisseurs mexicains. Cela permet ainsi d’adresser des populations bénéficiaires non bancarisées.

 

Favoriser l’essor de la production décentralisée d’énergie renouvelable.

En matière environnementale, les crypto-monnaies semblent partir avec un désavantage certain, la consommation énergétique pour le fonctionnement de bitcoin équivaudrait à celle de l’Irlande et celle de l’Ether à celle de Chypre. Néanmoins, comme souvent en matière de nouvelles technologies il faut parfois savoir faire abstraction d’importantes externalités négatives des premières mises en œuvre opérationnelles, pour se concentrer sur les évolutions d’usages qu’elles sont susceptibles d’induire. Les itérations suivantes sont souvent là pour rendre négligeables des défauts initialement majeurs.

La SolarCoin Fundation a pour objectif d’inciter à la production d’énergie solaire en la récompensant. Il s’agit d’une cryptomonnaie convertible en MWh (1MWh = 1SolarCoin). Les SolarCoins sont émis en échange de production d’électricité solaire, sur la foi d’informations que des capteurs installés sur les panneaux photovoltaïques envoient sur le réseau. Aujourd’hui, le SolarCoin est accepté en paiement par quelques acteurs tels que  Lumo, une plateforme de crowdfunding de projets d’énergie renouvelable, Smappee qui développe des solutions de pilotage des équipements énergétiques ou Ekwateur, fournisseur alternatif d’énergie arrivé sur le marché à l’automne 2016.

D’un point de vue prospectif, SolarCoin peut préfigurer une des solutions permettant de gérer les transactions d’énergie pair à pair d’une smartgrid où la production d’énergie serait totalement (ou presque) décentralisée.

 

Au travers de ces différents usages, les apports de la blockchain pour répondre aux enjeux de notre siècle sont susceptibles d’être majeures. Ses apports peuvent être important en termes de transparence, de traçabilité et de garantie, de par le consensus qu’elle représente et la conservation de l’ensemble de l’historique des transactions. Enfin, son architecture distribuée la rend par nature résiliente.

En revanche, elle ne dispense pas de l’authentification des identités et/ou des droits à l’entrée et peut donc nécessiter un important travail en amont de recherche ou d’authentification, notamment lorsqu’il s’agit de mettre en place un registre d’identité ou de titres de propriétés.

Elle s’affranchit de tiers de confiance dans son fonctionnement, pas lors de sa mise en place. La technologie ne peut pas tout. Elle joue un rôle important, mais c’est ce que nous en faisons qui compte vraiment.

 

*Définition de la Blockchain selon Blockchain France

« La blockchain est une technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée, et fonctionnant sans organe central de contrôle.

Par extension, une blockchain constitue une base de données qui contient l’historique de tous les échanges effectués entre ses utilisateurs depuis sa création. Cette base de données est sécurisée et distribuée : elle est partagée par ses différents utilisateurs, sans intermédiaire, ce qui permet à chacun de vérifier la validité de la chaîne. »

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